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Rencontre

© Francesca Mantovani - Gallimard

Rencontre

Des vies ordinaires : rencontre avec Marie-Pierre Pruvot, Anna Khachaturova (Bambi, une vie ordinaire, Denoël) et Jean-Noël Pancrazi (Quand s’arrêtent les larmes, Gallimard)

AUTEUR(S)

Marie-Pierre Pruvot
Anna Kachaturova
Jean-Noël Pancrazi

Toulouse - Salle du Sénéchal


Bambi, une vie ordinaire, Marie-Pierre Pruvot avec Anna Khachaturova (Denoël) :
À sa naissance en Algérie en 1935, dans une famille de pieds-noirs, Marie-Pierre Pruvot est assignée garçon. Durant son enfance, où la poésie et la solitude deviennent ses compagnons, il lui est impossible de penser à l’avenir : aucun horizon ne lui permet de se projeter sans renoncer à son être profond. Jusqu’au jour où, au casino d’Alger, elle assiste à un spectacle de travestis parisiens. Sa décision est prise : elle sera artiste de cabaret, ou ne sera pas.

À son arrivée à Paris, à l’âge de dix-huit ans, elle commence à vivre en femme et à se produire dans les meilleurs cabarets de la capitale. Vedette de la revue dès 1955, elle devient l’une des premières femmes trans de France, parmi celles qui, au mépris des difficultés administratives et de la désapprobation sociale, normalisent le parcours de la transition. Au terme de dix ans d’une carrière fulgurante, Marie-Pierre décide de quitter la scène pour poser les bases d’un avenir plus proche de ses passions de jeunesse – l’étude, les lettres, l’écriture. Elle qui n’avait jamais passé son bac reprend sa scolarité et… devient professeure de français dans un lycée de banlieue parisienne, où elle passe les vingt-cinq années suivantes sans jamais révéler son passé. Couronnée par les Palmes académiques, elle prend sa retraite en 2001. C’est alors seulement qu’elle raconte sa vie, comme s’il fallait coucher sur le papier ce vécu à mille facettes pour que, enfin, son parcours dévoile toute sa secrète cohérence.

Marie-Pierre Pruvot fait revivre une galerie de personnages plus grands que nature, et nous plonge dans l’ambiance irrésistible de la nuit parisienne qu’elle a connue. Un parcours de vie lumineux, édifiant, unique qui, à l’époque actuelle, se lit comme un nouveau manifeste pour la liberté.

Quand s'arrêtent les larmes, Jean-Noël Pancrazi (Gallimard) :
Isabelle est la sœur du narrateur. Elle vit à Perpignan, sa terre d’élection, et lui à Paris, dans le vingtième arrondissement. Ils ont en commun une enfance algérienne, une adolescence à Perpignan, une mère comme un personnage de Tennessee Williams.
C’est par le cinéma que naît leur profonde complicité, quand le jeune homme brillant et loué par les professeurs fait passer en douce sa petite sœur ébouriffée à une séance de Jamais le dimanche. Ensuite, ce sera les soirées au Pochi, la boite des nuits d’été, où ils se retrouvent par hasard et découvrent leurs préférences parallèles. Et puis les vies se déroulent chacun de leur côté, avec des froids et des retrouvailles. Isabelle est une femme moderne, engagée, toujours prête à secourir un être en di,culté, à se dresser contre l’adversité en faveur du plus faible.

Dans ce récit très présent, où les souvenirs affleurent sans mélancolie, dans une sorte de joie rieuse, Isabelle est face à la maladie avec tout son caractère, son aplomb, son élégance. Le cinéma est ce qui compte plus que tout. Et la présence discrète, souriante, parfois silencieuse du frère, est l’occasion de confidences.
Entre eux, comme point d’union et de désaccord, il y a Driss, l’ami marocain du frère, un jeune homme qui vit de bricoles, et parfois de l’argent qu’on lui envoie. Isabelle ne saisit pas cette désinvolture, la façon dont son frère dilapide ses attaches. Mais quand la terre tremble à Marrakech, elle est la première à le savoir et tout faire pour que Driss soit à l’abri.