© Patrice Normand

Rencontre

L’invention de Tristan : rencontre avec Adrien Bosc

AUTEUR(S)

Adrien Bosc

Toulouse - Librairie L'Autre Rive


« Un conte moderne : il était une fois un écrivain américain sans le sou, trimballant un manuscrit refusé par tout ce que la côte Est compte d'éditeurs, trouve attache à Paris dans une chambre de bonne, dans l'immeuble où Hemingway vécut [...]. Un dimanche, sur le Pont des Arts, il rencontre une jeune femme dont il tombe amoureux. Il ne connaît ni son âge, ni son nom. Ils ne se quittent plus et vivent ensemble. Elle est la fille d'un écrivain français dont il ne connaît ni les livres ni l'importance. Un jour, le père tombe sur le manuscrit du jeune homme, le transmet à son propre éditeur, le texte circule, et contre toute attente l'évidence littéraire écarte les doutes. Le livre est traduit. Ironie du sort, ceux-là mêmes qui l'avaient refusé dans son pays se l'arrachent. »

Voilà la légende, cadenassée de partout, que Zachary, le narrateur de ce livre, en vadrouille à Paris après une rupture amoureuse – Zachary est vérificateur au magazine le New Yorker, autrement dit un fact-checker –, ignore jusqu’au jour où il tombe par hasard sur un exemplaire du Seigneur des porcheries. Le texte l’envoûte. La notice biographique l’intrigue : « Tristan Egolf est né en 1971 en Pennsylvanie. Il a vécu à Paris et New York et a publié trois romans. Il est mort le 7 mai 2005. » On ajoute : il est mort suicidé, à 33 ans. Après une vie d’excès, de boulots incongrus, d’amours intenses, d’amitiés chaotiques, de scènes burlesques et de littérature.

Comment écrire la biographie d’un écrivain filant comme une météore ? Comment dire toute la force d’une vie scrutée en légende plus vraie que la réalité ? De Paris à Lancaster, Pennsylvanie, des couloirs labyrinthiques d’une célèbre maison d’édition aux blocs venteux d’Alphabet City, de l’ombre des profondeurs du Midwest à trop de lumière, d’une souffrance d’être né à une souffrance de vivre, Zachary s’improvise détective littéraire et reconstitue tant bien que mal le destin d’un écrivain comparé à Malcom Lowry ou à Carson McCullers.

La ligne claire, c’est le style qu’a justement choisi Adrien Bosc dans cette magnifique filature littéraire, où tout est vrai mais où tout est roman, pour comprendre de l’intérieur le génie, les cassures, le chaos, la part d’ombre de Tristan Egolf, dont on sait qu’en mai 2005, vingt ans avant cette année 2025, il a souhaité partir de lui-même. Laissant plus de questions que de réponses, malgré ce livre-tombeau, où l’instrument du crime n’est peut-être qu’un livre.